Ville Témoin (8)

Benjamin Bondonneau, Kristof Guez et Raphaël Saint-Remy ont réalisé une série appelée « Ville Témoin » de textes, miniatures sonores, photos et vidéos à partir du matériau collecté pour la maquette urbaine, ramifications oniriques à partir des paroles d’habitants du territoire.

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Contrechamps par Raphaël Saint-Remy (33)

R96-4) Sur moi toujours avance une ombre
             (D’après : « Tout le temps avoir un patron derrière vous, c’est infernal à force ». 
Ombre, chute)

L’OMBRE

Sur moi toujours avance une ombre, large, puissante, qui par derrière contraint ma tête et mes épaules, plie mon corps en deux, bafoue ma nature d’homme. Hideusement musculeuse, farcie de détours, de leurres, de stratégies obscènes (du moins est-ce ainsi que ma cécité la dessine), cette ombre est mon enfer, le puits sans parois où même ma propre chute se révèle douteuse, non- verticale, amputée à jamais de l’amorce qui pourrait me la rendre compréhensible. 

Telle une esche je pends dans les ténèbres, sans rien savoir de l’hameçon gigantesque qui me transperce. Ma seule échappatoire est d’en pensée me disloquer, et d’offrir à chaque partie de moi le salut du plein vol. 

Dès lors c’est comme nuée que je me vis, et par un concert de croassements que je célèbre mon salutaire éparpillement. 

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Contrechamps par Raphaël Saint-Remy (32)

R96-3) Les dos se sont tournés
             (D’après : « Les espaces verts ». 
Algues)

ALGUES

Les dos se sont tournés, les proches s’en sont allés, laissant dans l’espace autant de traînées algales ondoyantes et vivaces. D’abord précises et d’un vert toujours pur (bien que jamais semblable), ces poussées végétales doucement emmêlées peu à peu se relâchent, s’embrument, jusqu’à se fondre entièrement pour occuper, sans plus de distinction, tout mon ciel. 

C’est dans cette filasse vaguement jade et m’enveloppant tout entier que mes pensées parfois (quand le présent me pèse, quand mon sang se fait lourd) s’élancent ; là que je bêche mes heures, que j’élague mon ennui ; et c’est par les hublots percés dans cette forêt paresseuse et diluée que je regarde le monde, à l’abri des autres autant que de moi-même. 

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