R100-3) Ma chambre est située à l’étage
(D’après : « En bas il vend des radios, en haut c’est une habitation ». Maison, radio, télévision, asphyxie)
REZ-DE-CHAUSSÉE
Ma chambre est située à l’étage d’une maisonnette que rien dans le quartier ne distingue des autres. C’est là que je passe toutes mes nuits. Mais pour accéder à la rue le matin, de même que pour regagner mon lit le soir, il me faut traverser le rez-de-chaussée, envahi du sol au plafond par un chaos d’appareils de radio et de télévision, de câbles, d’antennes et de pièces détachées de toutes sortes, qui sont comme les entrailles monstrueuses d’un corps absurde sans forme ni logique.
L’espace est à ce point rempli (et il semble d’ailleurs se remplir toujours un peu plus, sans que je puisse m’expliquer cette prolifération) que chaque traversée, dans un sens ou dans l’autre, me paraît plus difficile. Gonflant mes poumons, je plonge soir et matin dans cet amas où tout se contrarie et s’interpénètre, et n’en ressors qu’à tâtons, et toujours à bout de souffle. Il me faut chaque fois un bon moment pour reprendre haleine et me libérer des câbles et débris pris dans mes cheveux ou accrochés à mes vêtements.
Je suis las de ce manège, et surtout inquiet pour l’avenir. Un jour je le crains le souffle me manquera, et je resterai pris dans ce conglomérat insensé et proliférant, qui déjà par un côté tente de gagner l’étage, et par l’autre envahit le perron.