R96-6) La poussière épaisse
            (D’après :  « N’oublions pas que nous sommes nés poussière ». 
Poussière, évanouissement)

POUSSIÈRE

La poussière épaisse qui m’enveloppe a fait de moi sa nourriture. Que dans mon avancée (car toujours j’avance, même si le but m’échappe) mes mains se tendent pour déchiffrer l’espace, et cette ouate aréneuse immédiatement les avale — ou plutôt avec application les déguste, s’en régale. Sans m’être tout à fait retirées, mes mains (pourtant mes uniques guides dans ces presque ténèbres sans ciel ni base) ne sont plus entièrement miennes : j’en partage la propriété avec ce nuage de sable énigmatique et muet qui m’a choisi pour met.
Mais je ne souffre pas de cette situation, ni ne m’en plains. Sachant qu’il me rapproche de mon but, j’accepte mon évanouissement. Car mes mains sont les navires que je lance non vers une cible unique mais vers l’archipel de rêves qui m’a vu naître et que je finirai je le sais par atteindre, lorsque m’étant entièrement offert à la poussière qui lentement me dévore, par vagues successives j’aborderai ses rivages éclatés aux plantes odoriférantes.