R96-2) Muscle du ciel
              (D’après : « Ils muscleraient leur visage, ils muscleraient un peu tout ». 
Muscles)

MUSCLES

Muscle du ciel, muscle des murs, de l’eau, du vent, muscle du vide entre les choses, tous se tendent et se détendent autour de moi, m’enveloppent, forment une coque filandreuse, intranquille et toujours recommencée, où mille pouls contrebattent.
À ces muscles majeurs j’ajoutent méticuleusement les miens. Ici mon palmaire, là mes zygomatiques, plus loin mon grand pectoral que j’ai tant de plaisir à déployer. Géométrie mouvante qu’habitent trapèzes fantasques et extenseurs curieux du monde. C’est dans cette architecture tropicale que j’observe le commerce des êtres gris qui autour de moi dérivent. Recroquevillés sur eux-mêmes, prisonniers d’un exosquelette dont aucune vie ne s’échappe, ils s’en vont rebondir sur des parois dont ils ignorent tout — sinon la puissance avec laquelle, à peine touchées, elles les rejettent. 

Et mes muscles, éparpillés dans la coque qui me contient, ne sont pas les derniers à relancer cet incessant ballet, et à s’en amuser.