R96-1) À grandes pelletées
(D’après : « Je bêche ». Chute, abysses)
LE GRAIN DE SABLE
À grandes pelletées j’envoie voler la terre par-dessus les toits.
Sous mes pieds le trou grandit, avale lentement la ville — cargo rouillé englouti par une eau épaisse, ténébreuse, innommable.
Des grincements de tôles accompagnent ma méthodique noyade, la guident.
Je creuse encore, jette par-dessus mon épaule les chairs qui inutilement me lestent.
Libérés de leur orbite mes yeux, avides, me précèdent dans les abysses. Là je le sais un grain de sable patiente, sur lequel mon nom est gravé. Mes yeux enfin désencagés le cherchent, fouillent les fonds, remuent l’obscurité encore inviolée. Mais le soin que je mets à me défaire de moi agite le mystère dans lequel je m’enfonce, et à mesure que j’approche de lui ce minuscule grain s’érode, et mon nom sur lui toujours plus sûrement se désinscrit.