R110-1) Rien à faire, le présent se refuse à moi
            (D’après : « Je ne vois pas l’avenir, que le présent ». Présent, galeries, terrier)

LE PRÉSENT

Rien à faire, le présent se refuse à moi. J’ai beau lui tendre piège sur piège, rester aux aguets durant des heures, c’est toujours face à autre chose que je me trouve — non pas un temps bien défini, passé bien vernissé ou futur vierge de toute empreinte, mais un magma de formes instables, entrelacs de 

galeries taupesques, buisson de pousses temporelles s’interpénétrant, s’enserrant, s’étranglant les unes les autres, et au sein duquel même la plus infime tentative d’un fugace présent serait vouée, avant même d’éclore, à une immédiate asphyxie.
Mes journées se passent donc à tenter d’y voir clair dans cet embrouillamini, à essayer d’y dénicher un modeste passage par lequel il me serait loisir de partir à l’exploration de ce présent qui sans cesse me fuit. Mais à force de m’abimer les yeux à percer ce fatras de lignes antipodiques, je suis pris de vertiges, en perds et nord et sud, ne fais plus le départ entre le déjà caduc et le peut-être bientôt vivace, et m’abîme dans des questionnements oiseux sur la nature de telle ou telle branche, les territoires vers lesquels elle paraît tendre, et ce qu’elle révèle de terres qui me sont de toute façon, je le sais, inaccessibles. 

Et je finis par penser que ce présent que je cherche si avidement n’est que la zone compacte où toutes ces branches, s’entremêlant de façon si serrée, rendent quelque exploration que ce soit absolument inenvisageable, et pour tout dire impensable.