R 111-1) Que quelque chose se présente à moi
(D’après : « Dans le roman on peut tomber sur tout et n’importe quoi ». Arbre, mur, écrasement, sang)
CARNAGE
Que quelque chose se présente à moi, un mur, un arbre au bord du chemin, une masse quelconque inerte ou vivante, et aussitôt il faut que j’aille m’écraser contre, comme si j’y avais été projeté avec force.
Bien sûr personne ne se doute de rien. On me voit comme un être délicat, sensible, réservé. Mais je sais, moi, les ravages que je fais sur les choses, les êtres, et même les pensées qui commettent l’erreur de s’échapper de mon cerveau et s’oublient à danser sous mon nez. C’est chaque fois le même carnage : mon sang gicle et macule tout, l’objet de mon attention est entaché d’une bouillie de chairs infâme que moi seul vois, et en laquelle je ne me reconnais plus que par déduction.
Et c’est hébété que je regarde cette dévastation, incapable d’une réaction autre que d’infini dégoût, attendant simplement (bien que toujours avec la même appréhension) la prochaine et inévitable collision. Car malgré tout, malgré cette hébétude rémittente, j’avance dans le monde, toujours à l’affut de choses et de lieux à découvrir, que je me promets, par précaution, de n’approcher qu’un bref instant. Mais cet instant suffit pour que je gâche tout, et que s’allonge la liste des dommages que bien malgré moi j’occasionne.