R103-5) Pour pouvoir avancer, mes pieds ont besoin d’eau
(D’après : « La chasse à l’eau ». Pieds, eau, course)
LES MARES
Pour pouvoir avancer, mes pieds ont besoin d’eau — un besoin tel qu’en trouver est devenu leur unique obsession, et que ce n’est que lorsqu’ils sentent quelque part un ruisseau, une fontaine, une mare, qu’ils se mettent en chemin. C’est du reste surtout l’eau des mares qu’ils affectionnent. Ils ne goûtent que très modérément les eaux vives, et ne s’y trempent que lorsqu’aucune autre ne s’offre à eux — et encore, rapidement, et comme à la dérobée.
Le malheur est que là où je me trouve, si l’eau des mares s’avère comme partout ailleurs croupie et inactive, les mares elles-mêmes se montrent non seulement mouvantes, mais farouches, et que, craignant plus que tout semble-t-il qu’on vienne les agiter, elles s’enfuient à la moindre alerte avec une étonnante célérité.
Mon existence se résume donc à courir après des mirages, et à me contenter des rares pauses (toujours trop courtes, et toujours insatisfaisantes) que m’offre l’eau claire et fuyante des ruisseaux, dont mes pieds revêches se montrent pourtant bien peu friands.