R75-4) Habitué à être introduit dans des structures modestes
(D’après : « Structures volumineuses ». Laboratoire, vide, disparition)
LE COBAYE
Habitué à être introduit dans des structures modestes (régulièrement en effet, sans que j’en connaisse les raisons précises — il ne me revient d’ailleurs pas de les connaître, je ne suis qu’un cobaye de laboratoire, et mon rôle n’est pas de saisir la finalité des expériences que je sers — on me plonge dans une structure géométrique nouvelle, dans laquelle je dois trouver au plus vite une façon d’évoluer satisfaisante), je ne peux qu’être effrayé par celle dans laquelle on vient de me lâcher.
Car contrairement aux autres, qui dès le premier instant me révélaient leur architecture et leurs frontières (il s’agissait souvent de structures aux parois de verre que quelques brasses dans le vide me permettaient d’atteindre), celle-ci n’offre à mes yeux, où qu’ils se portent, aucune limite visible, aucune paroi sur quoi mon corps et ma pensée pourrait prendre appui ou rebondir.
J’ai beau mettre en éveil tous mes sens, j’ai beau tenter de capter quelques courants d’airs pouvant m’apporter un début d’indice, je dois me rendre à l’évidence : c’est dans un vide sans limite, dans un vide complet que l’on ma placé. Et, incertain désormais de leur présence quelque part au-dessus de moi, ce n’est plus que vers d’inaccessibles et invisibles laborantins que je lève les yeux, convaincu que quand bien même ils seraient là à m’observer, l’immensité de la structure dans laquelle ils m’ont jeté les prive complètement, même en ayant recours à l’appareil le plus sophistiqué, de la possibilité de seulement m’apercevoir, et donc, s’ils en éprouvaient tout à coup le désir, de me retrouver.