R101- 5) Mes heures se brisent comme du verre
(D’après : « Temps partiel ». Temps, perte, verre, lit)
LES HEURES
Mes heures se brisent comme du verre. À vrai dire, ce ne sont pas vraiment des heures, simplement des phases, des périodes qui à mes yeux forment un tout. Elles peuvent être des plus brèves, ou à l’inverse s’étirer démesurément. Pourtant, ces heures ne me sont jamais offertes complètement ; toujours une partie m’en échappe (et toujours bien sûr au moment le plus inattendu), comme si une main prélevait subrepticement, sans aucun bruit, un morceau de carreau à ma fenêtre.
Il ne s’agit pas d’une perte de conscience passagère. Simplement, le temps bondit d’un coup en avant, saute une étape, me transporte avec lui sans que je puisse rien faire contre.
Plus tard, quand vient le soir, je retrouve éparpillés dans mon lit, coupants et fragiles, tous ces morceaux de temps qui m’ont été enlevés. Il me faut un bon moment pour en débarrasser mes draps. Ce moment-là, durant lequel je récupère ce qui m’a été dérobé, reste toujours pour sa part intact — sauf bien sûr lorsqu’il m’arrive de m’endormir avant d’avoir complètement libéré ma couche.