R101-1) Debout au milieu du hall
            (D’après : « Renseignements ».
Hall, inscriptions, peau)

L’INDICATEUR

Debout au milieu du hall, j’accueille ceux qui viennent. Ma fonction m’oblige à rester à la même place, bien visible de ceux qui pénètrent ici pour la première fois, mais également des habitués qui désirent être informés des nouvelles du jour. Pour tenir mon rôle comme il se doit, je n’ai besoin que de me montrer : les informations que la société qui m’emploie juge importantes à communiquer sont toutes inscrites sur mon corps même — raison pour laquelle je dois demeurer nu toute la journée au milieu du hall, parmi le va-et-vient permanent des employés et des visiteurs. 

C’est ma peau, et uniquement elle, que l’on doit consulter lorsque l’on est en quête d’un renseignement quelconque. C’est pourquoi il me faut faire montre en permanence d’une grande souplesse (c’est cette souplesse que mon employeur a contrôlée avec soin avant de m’engager), afin de pouvoir à la fois, par exemple, mettre en évidence l’information inscrite sur mon poignet ou mon avant-bras, et celle inscrite sur la plante de mon pied ou l’intérieur de ma cuisse. 

Si les inscriptions les plus fondamentales, celles qui ne sont pas susceptibles d’être revues, ont été gravées en moi dès le début de façon définitive, les autres le sont selon des techniques ou des encres différentes, en fonction de leur importance et de leur durée de validité.
On s’emploie bien sûr dès le matin (un bon moment avant que je prenne place au centre du hall) à inscrire les nouvelles ou les renseignements du jour. Mais il arrive aussi régulièrement que cela soit fait en pleine journée, et donc à l’emplacement même qui m’est réservé. Mais les employés chargés de cette opération savent être rapides et discrets, et cela n’entrave en rien le bon fonctionnement des choses. Chacun comprend la nécessité de l’opération, et se félicite que les mises à jour soient aussi efficaces. 

Bien sûr, quand approche la fin de mon service, mes muscles commencent à fatiguer (surtout lorsqu’il a fallu faire connaître quantité d’informations, et les inscrire sur des parcelles de peau difficiles d’accès). C’est donc avec soulagement que je regagne le vestiaire, où je m’empresse d’effacer les annonces temporaires, afin que ma peau soit prête pour le lendemain. Quant aux informations d’importance, je les conserve à jamais ; elles font partie de moi, je dors avec, et elles m’accompagneront jusqu’à mon dernier jour ; c’est ce à quoi je me suis engagé en acceptant ce poste.