R103-2) Avant même que la moindre parole ne sorte de ma bouche
            (D’après : « Des mots sur les pierres ». Mots, pierres, poumons, dégoût)

LES PIERRES

Avant même que la moindre parole ne sorte de ma bouche, c’est en moi tout un tourbillon de roches, de pierres, de caillasses grossières qui viennent cogner et râper les parois de mes poumons, se prendre dans ma gorge et en boucher l’issue. Et ce n’est qu’en éructant, crachant, vomissant que je peux me libérer de ce chaos. 

Bien sûr ces pierres dont je parviens après de longs et pénibles efforts à me libérer ne sont pas ordinaires. Elles portent mes pensées gravées sur elles (de façon incomplète, par bribes pourrait-on dire, car l’espace manque, mais au moins ont-elles cette qualité), et à qui voudraient les connaître, il suffirait de se pencher pour les examiner. 

Mais qui voudrait faire cet effort ? Qui passerait par dessus son dégoût — dégoût qui plus est que je partage ?