Amerika

Et le matin comme le soir, comme dans les rêves de la nuit, se pressait dans cette rue une circulation toujours dense qui, vue d’en haut, se présentait comme une mixture sans cesse alimentée d’apports nouveaux, silhouettes humaines déformées et toits de véhicules en tous genres, d’où montait encore une mixture multipliée et plus virulente de vacarmes, de poussières et d’odeurs, et tout cela était pris et pénétré par une violente lumière que cette foule d’objets ne cessait d’éparpiller, de transmettre et de ramasser frénétiquement, si bien que l’œil hébété la voyait concrètement comme une vitre recouvrant toute la rue et qu’on aurait à chaque instant brisée de nouveau à toute volée.

Franz Kafka, Amerika, ou Le Disparu, trad. de l’allemand par Bernard Lortholary